samedi 7 novembre 2009

Foyers de travailleurs immigrés : Un provisoire qui dure




Au milieu des années 50, en pleine guerre d’Algérie, l’Etat français crée un nouveau type de foyer pour travailleurs immigrés. D’abord appelées FTM*, puis SONACOTRA*, c’est aujourd’hui sous le sigle ADOMA que sont nommées la plupart de ces habitations. On continue d’appeler Sonacotra, le foyer de la Paillade qui jouxte l’avenue de l’Europe.
Les foyers étaient prévus à l’origine essentiellement pour accueillir ces travailleurs isolés venus d’Afrique du nord, mais aussi du Mali, Sénégal…
Isolés, beaucoup semblent l’être encore.

Aujourd’hui, 40, 50 ans plus tard pour certain, ces travailleurs, qui ont souvent eu des travaux pénibles, sont devenus de vieux retraités, et paraissent aujourd’hui définitivement là pour y terminer leur vie. C’est avec un regard attendri (comment les regarder autrement ?) que l’on croise ces chibani* dans leurs incessants allers retours qui les conduisent du foyer au marché des Halles de la Paillade, du centre commercial à leur petit studio, quand ce n’est pas sur de plus petits parcours, de leur chambre à la petite mosquée créée sur place. Il est difficile de ne pas se demander de quelle manière, par quels sacrifices cette situation à vocation transitoire est devenue un provisoire qui dure encore. Difficile également de ne pas se demander sur quels renoncements exacts, pour quels bénéfices réels, leur vie fut construite, et quel regard ils portent sur cette existence.

Les chibani sont ces migrants de la première heure qui n’ont jamais vraiment posé leurs valises. Les uns ont toujours cru demeurer de façon provisoire loin du bled, le temps de se faire un petit pécule et rentrer retrouver femme et enfants. Les autres ont raté le train du regroupement familial et n’ont jamais pu ramener leur petite famille dans leur pays d’adoption. Il fallait malgré tout continuer à nourrir les siens restés au bled. (Extrait de Chibani society )

Tous n’ont évidemment pas le même vécu, le même destin, la même fin qui se profile. Pour ceux dont le parcours en France fait confondre point de départ et point d’arrivée, il est certain qu’un manque d’intégration à la vie de la cité, de la ville, prolonge davantage cet isolement qui ne cesse pas. « Ils sont pourtant une richesse, une bulle d’oxygène pour le quartier qui trop encore se refuse à eux » nous explique Karine Amblard de Peuple et Culture qui, à plusieurs reprises, a tenté de travailler avec eux. Bien qu’ils soient très respectés de tous, on peut trouver regrettable que par ignorance, manque d’envie ou par l’inutile vénération à distance que suscite leur grand âge, nous nous privions d’une mémoire, hélas, pas suffisamment consultée. Plus qu’une mémoire, ce sont autant de petites leçons de patience et de courage, qui feraient pourtant tant de bien à ce quartier, très jeune, qu’est la Paillade.

Tâche délicate, le paradoxe est de taille et en fera douter plus d’un. Il est important de comprendre que l’enseignement de cette force tranquille est à allé chercher chez des hommes discrets, dans rien de plus bruyant …Un enseignement, pour aider jeunes, habitants, en quête de sagesse, de quiétude, à mieux vivre un isolement qui là nous est propre, une certaine stigmatisation des quartiers.


Nous proposerons dans le prochain numéro la suite et fin de cette enquête et des témoignages.

NB et Hakim T.

* Chibanis (vieux)
* FTM (Foyer de Travailleurs Migrants)
* SONACOTRA (SOciété NAtionale de COnstruction de logements pour les TRAvailleurs)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire